Pour le véhicule autonome, c’est parti et tous les commentateurs l’ont signalé :
Pour autant, l’aventure technique doit continuer et la France a pris le décret attendu en application de l’ordonnance n°2016-1057 du 3 août 2016. L’Etat Français a pris toutes les précautions pour organiser que l’expérimentation, des autorisations de mise en circulation de véhicules autonomes se fassent dans des conditions de sécurité maximales. Le préambule du décret est très clair, l’expérimentation ne concerne qu’un public restreint :
Le décret entre en vigueur le lendemain de sa publication donc, il est effectif à compter du 31 mars 2018 sauf l’article 9 qui lui entrera en vigueur au 1er janvier 2019. Il s’en déduit que la circulation effective des véhicules sous couvert du certificat WWDPTC commencera donc le 1er janvier 2019. Les modalités d’instruction des dossiers d’autorisation sont assez longues et pour les premières expérimentations au 01/01/2019, il n’y a pas de temps à perdre pour déposer les premiers dossiers d’autorisation. Le décret se partage en quatre titres soit :
TITRE I) Sur la délivrance de l’autorisation d’expérimentation : L’article 1 est relatif aux demandes d’autorisation qui doivent être sollicitées en fonction de leur finalité à savoir :
Les modalités techniques de la demande d’autorisation à déposer seront fixées par un arrêté conjoint du Ministre chargé des Transports et de l’Intérieur. Article 2 : Cette demande d’autorisation sera soumise aux consultations préalables de trois autorités administratives à savoir :
Chacune des trois autorités mentionnées disposent à compter de sa sollicitation par le Ministre chargé du Transport d’un délai de trois mois pour rendre son avis à défaut d’avis, il est réputé rendu. Article 3 : L’autorisation est sectorielle puisqu’elle devra préciser les sections de voiries qui pourront être utilisées selon deux alternatives :
S’il s’agit d’exploitation de transport public de personnes ou de marchandises, le trajet est déterminé limitativement. Article 4 : L’autorisation peut être assortie de conditions en vue de garantir la sécurité durant l’expérimentation. Article 5 : L’autorisation est donnée pour une durée maximale de deux ans et peut être renouvelée une fois à la demande du bénéficiaire, ce compte tenu des données recueillies lors du suivi et du bilan de l’expérimentation. Et elle peut être modifiée selon les modalités prévues pour la délivrance de l’autorisation initiale. Article 6 : Le silence gardé par l’administration pendant 6 mois vaut décision de rejet d’une demande d’autorisation d’expérimentation. A retenir : la demande de dépôt d’autorisation d’expérimentation ne pourra être obtenue qu’au terme d’un long processus de préparation de l’expérimentateur et des Services de l’Etat qui devront instruire ces demandes. TITRE II) Certificat WWDPTC : Article 8 : Le véhicule autonome devra obligatoirement obtenir un titre d’immatriculation particulier indiquant les mentions ci-dessus : TITRE III) Conditions relatives au déroulé de l’expérimentation : Article 9 : Les véhicules relevant d’une expérimentation de véhicule à délégation de conduite circulent sous couvert du certificat WWDPTC prévu au titre II et à l’article 8. On rappelle que le préambule du décret mentionne que la mise en circulation ne pourra intervenir donc qu’à compter du 1er janvier 2019. Article 10 : L’expérimentateur doit mettre en œuvre des mesures nécessaires pour remédier aux évènements susceptibles de porter atteinte à la sécurité. L’administration met à la charge de l’expérimentateur une obligation de sécurité renforcée.
Article 11 : Les véhicules seront équipés d’un dispositif d’enregistrement permettant de déterminer à tout instant si le véhicule a circulé en mode de délégation partielle ou totale de conduite et les données sont automatiquement et régulièrement effacées. Ce dernier alinéa n’est pas sans poser quelques interrogations comme il sera développé en fin de commentaire. Article 12 : Qui dit véhicule autonome n’implique pas absence de conducteur car :
Il doit assurer l’activation des fonctions de délégation de conduite. Et dès lors que ces fonctions sont activées, le conducteur doit être à tout instant en capacité de prendre le contrôle du véhicule notamment en cas d’urgence ou lorsque le véhicule sort des conditions d’utilisation qui sont définies pour expérimentation. Le conducteur doit avoir reçu une formation préalable adéquate aux fonctions de délégation de conduite mises en œuvre pendant l’expérimentation. Article 13 : Les véhicules à délégation de conduite ne peuvent transporter que les personnes et le matériel autorisés par le conducteur qui devra en faire mention dans un registre spécifique tenu à bord du véhicule et toutes les personnes transportées sont automatiquement informées de leur participation à une expérimentation et doivent donner leur accord à celle-ci. Par contre, dans les véhicules affectés exclusivement à l’exécution d’un service de transport de personnes, le transport du public n’est pas à inscrire nominativement sur un registre à condition néanmoins de l’informer préalablement de sa participation à une expérimentation. Les personnes mineures ne sont pas autorisées à participer à une expérimentation sauf lorsqu’elles sont accompagnées de leur représentant légal ou d’une personne exerçant sur elle une autorité de droit ou de fait. Enfin, s’il s’agit d’un transport public de personnes, une mention visible doit être à disposition des occupants pour bien préciser qu’il s’agit d’un véhicule expérimental à délégation de conduite. Article 14 : L’expérimentation donne lieu à un suivi et à un bilan dont les modalités sont définies par un arrêté conjoint du Ministre de l’Intérieur et du Ministre Chargé des Transports. Les articles 15, 16 et 17 contiennent des dispositions particulières pour les véhicules affectés à un service de transport. TITRE IV) contrôle et sanction : L’article 18 précise que sans préjudice de l’application des dispositions de l’article R.610-5 du Code Pénal en cas de manquement constaté aux conditions d’expérimentation, le Ministre Chargé des Transports peut décider :
En conclusion L’article 11 sur les données mérite une attention particulière. Cet article précise que les données sont automatiquement et régulièrement effacées. Or l’article 14 sur le déroulé de l’expérimentation précise qu’elle donne lieu à un suivi qui semble se dérouler sur la totalité de la durée de l’expérimentation. De fait, les données devront donc bien être conservées avec la durée maximale de l’autorisation qui peut avoir une durée maximale de deux ans. Par ailleurs, s’agissant d’une expérimentation qui n’est ouverte qu’à un public très précis ciblé :
Ne pouvait-on considérer alors que les données de l’expérimentation pendant le suivi de celle-ci soient ouvertes pour une mise :
OU
En effet ces données ne pourraient-elles pas ou pas constituer des biens ou ressources communes avec un usage commun pour tous ? Ce décret du 28 mars 2018 coïncide à quelques jours près avec le dépôt du rapport du Député Cédric VILLANI sur l’intelligence artificielle. Aux termes de ce rapport, Monsieur Cédric VILLANI souligne la nécessité pour gagner la compétition de l’intelligence artificielle au niveau mondial, de mettre au point très rapidement une politique économique articulée autour de la donnée qui passe par une politique offensive visant à favoriser l’accès aux données à la circulation de celles-ci et à leur partage car les données sont la matière première de l’intelligence artificielle et que c’est d’elles que dépend l’émergence de nombreux usages et applications à venir. (Rapport VILLANI page 25). Puisque l’expérimentation des véhicules à délégation de conduite se fait :
Il aurait été important que l’Etat français favorise la circulation des données même celles émanant du secteur privé en consacrant ici un premier « commun de la donnée » pour celles relevant de l’expérimentation de ces véhicules ou à tout le moins, en organisant les modalités ensuite d’un repartage. Précisément en page 31 de son rapport, Monsieur VILLANI précise que :
Le partage de données doit également être encouragé dans un souci, pour certains cas, de sécurité des solutions d’intelligence artificielle. Dans l’exemple de la voiture autonome, chaque constructeur développe aujourd’hui de son côté ses propres modèles d’apprentissage. Pour assurer la fiabilité de leurs prototypes et atteindre un niveau de risque acceptable, ces derniers sont tenus d’envisager un maximum de possibilités : il faut par exemple collecter des données de roulage toute l’année pour se confronter aux variations des conditions climatiques. Par ailleurs, les référentiels de scénarios ne sont valables que pour une région donnée : les routes et les comportements de conduite diffèrent selon que l’on se trouve à Paris, à Mumbai, à New York ou à Hong Kong. L’ensemble de ces variables rend impossible l’anticipation de tous les scénarios par un seul constructeur, fut-il le plus-avancé.Ainsi si les géants américains ont pu prendre une avance relative en la matière, ils sont encore loin d’un niveau de fiabilité acceptable11. Partager ses données, ses référentiels de scénarios de conduite autonome (au moins pour partie) revient donc à s’assurer qu’en cas de litige, le plan de validation du véhicule concerné était à l’état de l’art et non propre à un constructeur.La puissance publique doit donc porter un autre modèle de production et de gouvernance des données, qui met l’accent sur la réciprocité, la collaboration et le partage pour favoriser le partage de données entre les acteurs d’un même secteur. Plusieurs pays conduisent ainsi des politiques incitatives au partage de données privées. C’est le cas au Royaume-Uni, où l’Open Data Institute13 promeut depuis plusieurs années cette ouverture volontaire des données privées afin de favoriser le développement économique :l’ODI met par exemple en avant le cas de l’entreprise Thomson Reuters, qui développe une plateforme collaborative pour mettre à disposition ses données, accessibles et réutilisables par tous. Cette approche vise à améliorer sa relation client, mais aussi la qualité de ses données, de ses produits et services13. |
Le développement de « l’Open Science » étant en marche, peut-être alors le Gouvernement peut compléter son décret ce d’autant plus que l’article 14 dispose que l’expérimentation doit donner lieu à un suivi et à un bilan dont les modalités seront définies par un arrêté à paraître. L’arrêté peut-être pourra s’inspirer des conclusions du rapport VILLANI sur le « partage ou la mise à disposition de certaines des données », quelle que soit la personnalité juridique des expérimentateurs. Les initiatives privées et/ou publiques au regard des excellents laboratoires de recherches publics qui existent en France, auront à cœur sans doute également de partager les données de l’expérimentation des véhicules autonomes, peut-être par la création d’une plateforme dédiée à la mise en commun de certaines des données des expérimentateurs. Ce décret sur l’expérimentation des véhicules autonomes innove sur de nouvelles problématiques juridiques insoupçonnés, au-delà des stricts problèmes de sécurité du fonctionnement de ces véhicules. Pour la rédaction du dossier de demande d’expérimentation, l’assistance d’un juriste spécialisé ou « Data Scientist » de la donnée pourra s’avérer utile, en plus de l’équipe technique Le cabinet de Maître Véronique RONDEAU-ABOULY, dans ses activités appliquées au droit des nouvelles technologies et du numérique peut vous assister pour la rédaction du dossier de demande d’expérimentation ou que vous soyez : contact au 51, Rue Sainte 13001 à Marseille, tel : 04 91 55 52 61 – mail : contact@rondeau-abouly.com.