AMF et le financement de la « Croissance durable » : nouveautés d’Août 2022 :

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L’AMF vient de publier une feuille de route importante pour fixer les exigences attendues des acteurs financiers en matière de distribution d’instruments financiers respectant les objectifs de la Finance Durable fixés par l’Union Européenne et l’accord de Paris.

La régulation concerne pour l’instant les instruments financiers de l’activité CeFi mais et à terme la DeFi devra aussi prendre des engagements.

Sommaire :

I )Deux nouveaux arrêtés importants du 25/7/2022 :

 II)La mise au point par l’AMF sur les textes qui concernent la durabilité dans la distribution des instruments financiers :

 II – 1) Application directe du Règlement délégué 2021/1253 aux prestataire de services en investissements (PSI) pour la fourniture de services d’investissement à partir du 2 août 2022 :

 II- 2) La modification applicable aux CIFs (conseiller en investissements financiers) soumis au régime national à compter du 01/01/2023 :

 III ) Conclusion Provisoire :

 III -1) Les conséquences de l’Accord de Paris : I) Deux nouveaux arrêtés importants du 25/7/2022 : 

 

 I) Deux nouveaux arrêtés importants du 25/7/2022 :

Par 2 Arrêtés transposés dans le livre III du règlement général de l’AMF, (Autorité des Marchés financiers), le gouvernement français lui confie la mise en œuvre du plan d’action « Financer la croissance durable » émanant de la commission européenne en mars 2018.

L’arrêté du 25/07/22 est pris au visa de 3 textes européens :

  1. Règlement délégué (UE) 2021/1253 de la Commission du 21 avril 2021 concernant l’intégration des facteurs de durabilité et des risques et préférences en matière de durabilité dans certaines exigences organisationnelles et conditions d’exercice applicable aux entreprises d’investissement.
  2. La Directive déléguée (UE) 2021/1269 de la Commission du 21 avril 2021 modifiant la directive précédente en ce qui concerne l’intégration des facteurs de durabilité dans les obligations applicables en matière de gouvernance des produits
  3. La Directive déléguée (UE) 2021/1270 de la Commission du 21 avril 2021 modifiant la directive 2010/43/le en ce qui concerne les risques en matière de durabilité et les facteurs de durabilité à prendre en compte pour les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)

Cet arrêté est pris en application des dispositions de l’article L.621-6 du code monétaire et financier (CMF) dont on rappelle que celui-ci dispose que pour l’exécution de ses missions :

  • L’AMF prend un règlement général et peut pour l’application de celui-ci prendre des décisions de portée individuelle et publier des instructions et des recommandations aux fins de préciser l’interprétation de son règlement général.

Pour cette raison, concomitamment à la publication de l’arrêté du 25 juillet 2022, l’AMF a publié ses exigences en matière de durabilité dans la distribution des instruments financiers

.II) La mise au point par l’AMF sur les textes qui concernent la durabilité dans la distribution des instruments financiers :

L’AMF précise que les modifications apportées aux articles de son règlement général régissant les sociétés de gestion d’OPCVM entrent en vigueur le 1er août 2022.

Par contre les règles qui concernent les prestataires de services d’investissement financier (PSI), entreront en vigueur à partir du 22 novembre 2022

Les règles qui concerneront les conseillers en investissements financiers (CIF), entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2023.

Toutes ces modifications ont pour but dans le cadre du plan d’action « financer la croissance durable » de réorienter les flux des capitaux vers des investissements durables ce qui doit être en adéquation avec la manière de distribuer les instruments financiers.

II – 1) Application directe du Règlement délégué 2021/1253 aux prestataire de services en investissements (PSI) pour la fourniture de services d’investissement à partir du 2 août 2022 :

Pour intégrer les préférences du client en matière de durabilité dans le cadre de :

  • L’identification des types de conflits d’intérêts susceptibles de se produire en cas notamment de fourniture de services d’investissement,
  • Dans les exigences adéquation de l’instrument financier ou du service lors de la fourniture d’un service de conseil en investissement ou de gestion de portefeuille pour le compte de tiers

La directive applicable aux PSI dans le cadre de la fourniture de « services d’investissement » pour les exigences relatives à la gouvernance des produits doit être transposée d’ici le 21 août 2022 pour une application à compter du 22 novembre 2022.

II- 2) La modification applicable aux CIFs (conseiller en investissements financiers) soumis au régime national à compter du 01/01/2023 :

Les CIFs se verront appliquer certaines règles analogues à celles des PSI en matière de durabilité des investissements dans le cadre :

  • Des vérifications d’adéquation du conseil qu’ils fournissent à leurs clients,
  • De l’identification des types de conflits d’intérêts susceptibles de survenir,
  • De l’application de la gouvernance des produits.

III) Conclusion Provisoire :

L’arrêté du 25/7/2022 est très important parce qu’il met en œuvre plusieurs texte européens dont notamment la Directive de la commission du 21 avril 2021 qui concerne la notion de risque en matière de durabilité, et qui définit justement des facteurs de durabilité à prendre en compte pour les organismes de placement collectif en valeurs mobilières OPCVM.

Il s’agit maintenant de la mise en œuvre opérationnelle pour réaliser les objectifs de la directive et du règlement européen qui ont été pris en considération des objectifs suivants :

  • Passer à une économie à faible intensité de carbone plus durable, économe en ressources et circulaire conformément aux objectifs de développement durable (ODD).

III -1) Les conséquences de l’Accord de Paris :

La Directive rappelle que l’Union européenne (UE) a conclu « l’accord de Paris » sur le climat.

Pour l’accord de Paris, la meilleure manière pour tenir l’objectif principal d’éradiquer la menace des changements climatiques est de rendre les flux financiers compatibles en les orientant avec un profil d’évolution vers un développement durable à faible émission de gaz à effet de serre résiliant au changement climatique.

L’objectif de l’accord de Paris imposait d’adresser aux investisseurs des signaux clairs pour que les investissements financiers soient de véritables vecteurs de promotion de la finance durable.

Or pour réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables, ceux -ci doivent être bien sûr évalués, mais plus encore définit par des critères pertinents de durabilité.

En un mot ces critères doivent être rendus intelligibles aux sociétés de gestion et aux conseillers financiers (PSI et CIF).

Or tout ce qui se joue ici, c’est aussi la responsabilité professionnelle de ces intermédiaires dans le contexte où l’AMF peut toujours prendre au titre de ses pouvoirs de régulation de la protection des investissements des décisions de sanction.

Du point de vue de « l’investisseur – consommateur » un investissement financier durable sera celui qui répondra aux critères de la finance durable.

Puisqu’il appartient aux professionnels de tenir compte de ces risques en matière de durabilité, cela implique pour eux de développer des capacités et connaissances techniques pour analyser ces nouveaux risques liés à la durabilité dont ils devront justifier.

Aux termes du § 4 de la Directive 2021/1270 pour les OPCVM :

 Les règles relatives à l’intégration des risques en matière de durabilité devront s’appliquer aux sociétés d’investissement en tenant compte du principe de proportionnalité.

Pour le § 5 la Directive 2021/1270 dispose que :

Pour maintenir un niveau élevé de protection des investisseurs, lorsqu’elles procèdent à la détection des types de conflits d’intérêts dont l’existence peut porter atteinte aux intérêts d’un OPCVM, les sociétés de gestion devraient y inclure les conflits d’intérêts qui peuvent découler de l’intégration des risques en matière de durabilité dans leurs processus, systèmes et contrôles internes.

Ces conflits d’intérêts peuvent découler de :

  • La rémunération ou de transaction personnelle du personnel concerné,
  • De conflit d’intérêts qui peuvent donner lieu à un écoblanchiment,
  • De vente abusive ou d’une présentation trompeuse de stratégie d’investissement, ou de conflit d’intérêts entre différents OPCVM gérés par une même société de gestion.

On retrouve ici en « creux » la notion d’un principe général de l’Union Européenne qui est celui de la transparence.

Par exemple dans le RGPD, l’article phare est l’article 12.

En effet ce qui fonde la licéité d’un traitement, outre le respect des dispositions des articles 5 et 6 du RGPD, c’est d’abord et avant tout pour le responsable de traitement de démontrer qu’il a pris toutes les mesures appropriées pour fournir au moment de la collecte des données une information transparente sur le traitement des données de la personne.

A défaut le traitement est irrégulier.

Au sens du RGPD une information transparente est donc celle qui est :

  • Suffisamment concise,
  • Aisément accessible,
  • Facile à comprendre pour que la personne ne soit pas surprise des conséquences du traitement sur ses droits et intérêts.

C’est sur ce même principe que devrait s’organiser la rédaction de polices d’informations transparentes appliquées à la Finance durable.

C’est aussi tout l’objet du Règlement européen 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019.

Son application de manière directe sur tout le territoire européen a pour finalité d’y harmoniser et unifier le contenu la publication d’informations répondant aux critères de la « durabilité » dans le secteur des services financiers.

Au terme du § 5 l’objectif du Règlement (UE) 2021/1253 est justement de :

 Déterminer le cadre des recommandations pertinentes et transparentes pour recommander à leurs clients et clients potentiels des instruments financiers qui leur conviennent

Le § 7 considère que ce sont les « acteurs des marchés financiers », lorsqu’ils sont initiateurs des produits financiers qui doivent, notamment lorsqu’ils fournissent des conseils en investissement ou des conseils en assurance :

  • Prendre la charge la garantie de ce que l’information sur leurs produits intègre des informations pertinentes sur l’énonciation des risques de la durabilité.
  • Délivrer une information pertinente avec des mentions informatives sur la « prise en compte » des incidences négatives en matière de durabilité.
  • Prévenir le risque « d’écoblanchiment » par les pratiques consistant notamment à obtenir un avantage concurrentiel déloyal en recommandant un instrument financier comme respectueux de l’environnement ou durable alors qu’il ne respecte pas les normes de base en matière d’environnement ou de durabilité.
  • S’abstenir de recommander ou négocier des instruments financiers comme s’ils correspondaient à des préférences individuelles en matière de durabilité, si tel n’est pas le cas.
  • Expliquer à leurs clients ou clients potentiels les raisons pour lesquelles ils s’abstiennent de recommander un produit financier, et pour cela, conserver un enregistrement de leurs explications.

Les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers seront donc bien « débiteurs » de la transparence de ces informations.

L’ESMA (L’autorité Européenne des marchés financiers), a lancé le 8 juillet 2022 une consultation publique sur la révision de ces orientations sur ses exigences en matière de gouvernance des produits pour tenir compte notamment des modifications de la Directive déléguée (UE) 2021/1269.

L’ESMA doit publier son rapport final et ses orientations révisées au premier trimestre 2023.

Ensuite l’AMF aura un délai de 2 mois pour indiquer à l’ESMA si elle entend s’y conformer.

La position de l’AMF aura évidemment une incidence directe sur l’activité des professionnels de « l’investissement financier durable » au-delà du contenu de l’arrêté actuel du 25/07/2022.

Ceci se noue dans le contexte où les conséquences de la guerre d’Ukraine amplifient la lutte pour la sobriété énergétique.

Se dessine également une autre régulation, celle de la Finance numérique ou Finance Décentralisée (DeFi).

Déjà la DeFi en regard de son cadre particulier, devra aussi justifier à terme de sa métrique « ESG » (Environnement social et gouvernance).

Ou l’on voit que finalement Cefi (Finance Centralisée) et DeFi (Finance Décentralisée) vont durant 2022/2023 avancer à grands pas vers une régulation issue de l’objectif général de l’UE de passer à une économie à faible intensité de carbone en tenant compte chacune de leur spécificité et pour la seconde la DeFi, d’une activité financière à partir de la technologie du registre distribué ou (Distributed Ledger Technology, DLT).

Nous vous informerons régulièrement sur ces 2 régulations de la finance Durable avec les instruments financiers CeFi et/ou DeFi puisque les FIA (Fonds d’investissement alternatif), les PSIs (Prestataires de services d’investissements) et les CIFs (Conseiller en investissement financier) orientent aussi leurs activités vers les placements d’actifs en DeFI dans le cadre d’une stratégie patrimoniale mixte.

Article publié le 30 Aout 2022

 Véronique RONDEAU-ABOULY

 Avocat Blockchain et DPO externe.

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Mots Clefs :

Finance durable  - sobriété énergétique - AMF - CeFi- DeFi 

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